samedi 28 février 2009

Jean-Pierre Changeux




Jean-Pierre Changeux , né le 6 avril 1936, est neurobiologiste français. Il est professeur au Collège de France et directeur du laboratoire de neurobiologie moléculaire à l'Institut Pasteur. Il est membre de l'Académie des sciences depuis 1986 et a été président du Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé de 1992 à 1998. En 1992, il a reçu la médaille d'or du CNRS.

Jean-Pierre Changeux est président de la Commission interministérielle d'agrément pour la conservation du patrimoine artistique national, dite Commission des dations, qui examine l'acceptation des œuvres d'art proposées à l'État français en paiement de droits de succession. Il a lui-même donné des œuvres d'art à l'État dans ce cadre.

Le nom de Jean-Pierre Changeux commence à être cité dans le grand public avec le prix Nobel 1965 des Français Jacob, Lwoff et Monod[2].

Par leurs effets et répercussions pour l'intelligibilité du comportement humain, les trois points saillants des trouvailles de Jean-Pierre Changeux sont la plasticité ou « labilité synaptique » associée à la « stabilisation synaptique » et la « migration neurale » à certaines époques et sous certaines conditions.

Le cheval de bataille de Jean-Pierre Changeux est la plasticité ou « labilité synaptique » associée à la « stabilisation sélective ». Ce qui signifie que les neurones lancent leurs ramifications pour former de nouvelles synapses et fabriquer de nouveaux circuits fonctionnels. La labilité synaptique et la stabilisation sélective s'appuient sur la création de nouveaux circuits et la destruction d'anciens circuits inutilisés ou peu utilisés, dans le « câblage » (Jean-Pierre Changeux & Antoine Danchin, pp. 58-88, « Apprendre par stabilisation de synapses en cours de développement », dans Le Cerveau humain, tome 2 de la série L'Unité de l'homme, sous la direction d'Edgar Morin et de Massimo Piatelli/Palmarini, Seuil, Paris, 1974).

Il y a deux points de vue, selon que l'on adopte le modèle de l'horloge newtonienne ou celui de l'ordinateur qui s'auto-organise, à la limite, en « recâblant » les circuits de sa configuration, au besoin, à partir des composantes disponibles ou prises des circuits inutilisés ou peu utilisés. Ce qui signifie que la compétence intellectuelle et physique soit ce qui s'use lorsqu'on ne s'en sert pas.

« Les possibilités combinatoires liées au nombre et à la diversité des connexions du cerveau de l'homme paraissent effectivement suffisantes pour rendre compte des capacités humaines. Le clivage entre activités mentales et activités neuronales ne se justifie pas. Désormais, à quoi bon parler d'esprit? Il n'y a plus que deux aspects d'un seul et même événement que l'on pourra décrire avec des termes empruntés soit au langage du psychologue (ou de l'introspection), soit à celui du neurobiologiste. » (Jean-Pierre Changeux, L'homme neuronal, Fayard, Paris, 1983, p. 334)

Comme entre culture et communication, il s'agit de deux points de vue: celui qui prend la perspective de la structure et celui qui adopte l'aspect fonctionnel des activités.

Conclusion [modifier]

C'est l'hypothèse épigénétique qui construit l'approche de Jean Pierre Changeux, hypothèse selon laquelle l'évolution du cerveau superpose, à l'action des gènes, un développement intrinsèque coordonné par l'apprentissage et l'expérience propre à chaque individu.

Nos facultés de penser et de posséder une conscience réflexive, notre capacité à produire, communiquer et accumuler des connaissances, ainsi que L'aspiration permanente de l'être humain à trouver une vérité et une éthique communes sont ainsi examinées avec le regard du scientifique.

« Les hommes jugent des choses selon la disposition de leur cerveau », et ils agissent cependant selon leur propre système de valeurs.

J.P. Changeux le dit et le sait. Pourtant, comme nous tous il se bat pour pouvoir cerner ou connaître ses propres « verrous ».

Notre conscience (réflexive) ne peut les percevoir qu'après la nouvelle synthèse faite. L’approche de J.P. Changeux, que nous retrouvons chez tous les évolutionnistes consiste à montrer comment les premières cellules ont pu donner naissance de proche en proche à des sociétés d’humains capables d’unir leurs forces à travers les sciences et les techniques pour concrétiser des représentations du monde nées de leurs interactions avec ce même monde.

Honneurs [modifier]

* 1977 - Prix Alexandre-Joannidès de l'Académie des sciences
* 1978 - Prix Gairdner
* 1982 - Prix Richard-Lounsbery de l'Académie des sciences
* 1983 - Prix littéraire Broquette-Gonin de l'Académie française pour l'Homme neuronal
* 1985 - prix Céline.
* 1986 - Prix F.-O- Schmitt du Neurosciences Research Institute.
* 1988 - Prix Rita-Levi-Montalcini de la fondation Fidia.
* 1990 - Prix Bristol-Myers-Squibb du Neurosciences Research Institute.
* 1991 - Medaille Carl-Gustav-Bernhard de l'Académie des sciences suédoise.
* 1992 - Médaille d'or du CNRS.
* 1993 - Prix de médecine Louis-Jeantet
* 1994 - Goodman and Gilman Award
* 1996 - Médaille Max-Delbrück
* 1997 - Grand Prix de la Fondation pour la recherche médicale, Paris
* 1997 - Prix Jean-Louis Signoret, en neuropsychologie, Fondation Ipsen
* 1998 - Prix Emanuel Merck en Chimie, Darmstadt
* 1998/1999 - Linus Pauling medal, Stanford, USA
* 1999 - Prix Eli Lilly, en Neuroscience préclinique, Collège européen de Neuropsychopharmacologie, Londres
* 2000 - Langley Award for basic research on nicotine and tobacco, Washington
* 2001 - Prix Balzan en Neuroscience Cognitive, Berne
* 2005 - Rockefeller University's science writing prize
* 2006 - Award of the Biotechnology Study Center de la New York University School of Medicine, avec Eric R. Kandel (Prix Nobel de physiologie ou de médecine en 2000), et Charles Weissmann.

Notes [modifier]

1. ↑ Jean-Pierre Changeux, mécène de la peinture française, http://www.canalacademie.com/Les-passions-de-l-ame.html [archive]
2. ↑ « Avec Jean-Pierre Changeux, François Jacob et Jacques Monod ont fourni l'explication de ce phénomène : l'isoleucine modifie la structure des enzymes intervenant dans sa fabrication, les rendant inactifs », Science et vie no580, juin 1966, Les trois Nobel français, page 48.

Références bibliographiques [modifier]

* Jean-Pierre Changeux & Antoine Danchin, pp. 58-88, « Apprendre par stabilisation de synapses en cours de développement », dans Le Cerveau humain, tome 2 de la série L'Unité de l'homme, sous la direction d'Edgar Morin et de Massimo Piatelli/Palmarini, Seuil, Paris, 1974)
* Jean-Pierre Changeux, L'Homme neuronal, Fayard, Paris, 1983

Articles scientifiques majeurs

* Monod J, Wyman J, Changeux JP (1965). On the nature of allosteric transitions: a plausible model. Journal of Molecular Biology 12: 88-118. Article classique où Jacques Monod, Jeffries Wyman et Jean-Pierre Changeux présentent le MWC model, qui explique les propriétés de coopérativité que l'on trouve dans les protéines allosterie, comme l'hémoglobine.
* Changeux JP, Kasai M, Lee CY (1970). Use of a snake venom toxin to characterize cholinergic receptor protein. Proceedings of the National Academy of Sciences USA 67: 1241-1247 (première purification d'un récepteur de neurotransmetteur)
* Changeux JP, Courrege P, Danchin A (1973). Theory of epigenesis of neuronal networks by selective stabilization of synapses. Proceedings of the National Academy of Sciences USA 70: 2974-2978.
* Giraudat J, Dennis M, Heidmann T, Chang JY, Changeux JP (1986). Structure of the high affinity site for noncompetitive blockers of the acetylcholine receptor: serine-262 of the delta subunit is labeled by [3H]-chlorpromazine. Proceedings of the National Academy of Sciences USA 83: 2719-2723.

Autres Publications scientifiques

* Nonmyogenic factors bind nicotinic acetylcholine promoter elements required for response to denervation. by Bessereau J.-L., Laudenbach V., Le Poupon C., Changeux J.-P. (1998).J Biol Chem, 273 : 12786-12793. 98250719
* Brain nicotinic receptors: structure and regulation, role in learning and reinforcement. by Changeux J.-P., Bertrand D., Corringer P.-J., Dehaene S., Edelstein S., Léna C., Le Novère N., Marubio L., Picciotto M., Zoli M. (1998). Brain Res Rev, 26 : 198-216. 98316245
* Hierarchical neuronal modeling of cognitive functions : from synaptic transmission to the Tower of London. Changeux J.-P., Dehaene S. (1998). CR Acad Sci Paris 321, 241-247. 98431512
* Drug use and abuse. by Changeux J.-P. (1998). J Am Acad Arts Sci Daedalus, 127 : 145-165.
* Allosteric receptors after 30 years. by Changeux JP, Edelstein SJ (1998). Neuron 1998 21(5):959-80. 99072274
* Critical elements determining diversity in agonist binding and desensitization of neuronal nicotinic acetylcholine receptors. by Corringer PJ, Bertrand S, Bohler S, Edelstein SJ, Changeux JP, Bertrand D (1998). J Neurosci 18 : 648-657. 98086317
* A neuronal model of a global workspace in effortful cognitive tasks. by Dehaene S, Kerszberg M, Changeux JP (1998). Proc Natl Acad Sci USA 95 : 14529-14534. 9904571898316245
* Allosteric transitions of the acetylcholine receptor. by Edelstein S., Changeux J.P. (1998). In Linkage thermodynamics of macromolecular interactions. Advances in protein chemistry. 51 : 121-184. 98277375
* Differential susceptibility of young and old rat neuromuscular junctions to antibody-mediated AChR degradation in experimental autoimmune myasthenia gravis. by Hoedemaekers A, Bessereau JL, Graus Y, Guyon T, Changeux JP, Berrih-Aknin S, Van Breda Vriesman P, De Baets M (1998). Ann N Y Acad Sci 13;841:550-4. 98332890
* Role of the target organ in determining susceptibility to experimental autoimmune myasthenia gravis. Hoedemaekers A, Bessereau JL, Graus Y, Guyon T, Changeux JP, Berrih-Aknin S, van Breda Vriesman P, De Baets MH (1998). J Neuroimmunol 14;89(1-2):131-41. 98393436
* Mechanisms for positional signalling by morphogen transport : a theoretical study. by Kerszberg M., Wolpert L. (1998). J Theor Biol 191 : 103-114. 98256415
* A simple model of neurulation. by Kerszberg M., Changeux J.P. (1998).Bioessay, 20 : 758-770. 99037000
* Ivermectin : a positive allosteric effector of the a7 neuronal nicotinic acetylcholine receptors. by hKrause R.M., Bertrand S., Corringer P.J., Galzi J.L., Changeux J.-P., Bertrand D. (1998). Mol Pharmacol 53, 283-294. 98130700
* Identification of Four Classes of Brain Nicotinic Receptors Using b2 Mutant Mice. by Zoli M, Léna C, Picciotto MR, Changeux JP (1998). J Neurosci 18 : 4461-4472. 98279059

dimanche 22 février 2009

Jean Jacque Rousseau









1-Présentation:
Rousseau, Jean-Jacques (1712-1778), écrivain et philosophe genevois de langue française, auteur des Confessions, l’une des principales figures du siècle des Lumières.

2-Les années de formation: Né dans la république calviniste de Genève, Jean-Jacques Rousseau perd sa mère quelques jours après sa naissance. Vers l’âge de douze ans, il commence un apprentissage de graveur mais, malheureux chez son maître, il prend la fuite au bout de quelques années et passe à pied en Savoie (1728). Rousseau est recueilli par Mme de Warens, jeune dame pieuse qui devient sa protectrice et qui le convertit au catholicisme. Après de nouvelles errances, il revient auprès de Mme de Warens, devenue sa maîtresse, goûter les délices d’un bonheur paisible. Les Charmettes, près de Chambéry, prêtent à cet amour leur cadre idyllique et bienveillant jusqu’en 1737, date d’arrivée d’un nouveau rival.

3-Les débuts dans le monde:
En 1742, Jean-Jacques Rousseau se rend à Paris pour y gagner sa vie comme maître de musique, copiste et secrétaire particulier. Il se lie d’amitié avec Denis Diderot et rédige des articles sur la musique pour l’Encyclopédie. Son nouveau système de notation musicale n’ayant pas été admis par l’Académie, il se met à composer un opéra, les Muses galantes (1744), qui ne remporte pas le succès attendu. En 1745, il rencontre une jeune lingère, Thérèse Levasseur, qui sera sa compagne jusqu’à sa mort. Cinq enfants naissent de ce couple, tous placés par leur père à l’hospice des Enfants-Trouvés.

4-L'illumination de Vincennes: La vocation littéraire de Rousseau — il le racontera par la suite — survient un jour de 1749. En allant rendre visite à Diderot enfermé au donjon de Vincennes, il lit le sujet du concours de l’Académie de Dijon : « … si le rétablissement des sciences et des arts a contribué à corrompre ou à épurer les mœurs ». Une foule d’idées se pressent alors dans son esprit. Il prend la plume et rédige son Discours sur les sciences et les arts, soutenant que les « progrès » de la civilisation dénaturent l’Homme ; un an plus tard, il apprend qu’il a remporté le prix. Publié en 1750, ce premier ouvrage provoque immédiatement des réactions diverses et, en six mois, son auteur se trouve au centre de tous les cercles intellectuels et mondains.

5-Grandes œuvres et polémiques: Après le triomphe d’un nouvel opéra, le Devin du village (1752), Rousseau compose coup sur coup ses grandes œuvres : le Discours sur l’origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes (1755), la Lettre à d’Alembert sur les spectacles (1758), Julie ou la Nouvelle Héloïse (1761), Du contrat social (1762) et Émile ou De l’éducation (1762). En 1762, ce dernier ouvrage est condamné par le parlement de Paris. Pour échapper à son arrestation, Rousseau mène une vie errante pendant huit années. Fuyant de refuge en refuge, notamment en Angleterre à la rencontre du philosophe David Hume, il compose divers écrits, parmi lesquels les Lettres écrites de la montagne (1764), où il répond à ses accusateurs. Les attaques de ses détracteurs et la solitude aggravent chez Rousseau un sentiment de persécution déjà latent et le persuadent peu à peu qu’il est la proie d’un complot, en particulier de la part des encyclopédistes avec qui il est brouillé. En 1770, il revient se fixer à Paris et s’engage à ne plus rien publier de son vivant. Les Confessions (1765-1770, édition posthume 1782-1789), Rousseau juge de Jean-Jacques ou Dialogues (1772-1776, posthume 1789) et les Rêveries du promeneur solitaire (1776-1778, posthume 1782) ne paraîtront qu’après sa mort, survenue à Ermenonville. Ses cendres ont été transférées au Panthéon par la Convention en 1794.

6-Pensée et influence: Rousseau est, certes, un philosophe des Lumières, en raison du caractère révolutionnaire de ses idées, mais il est aussi à contre-courant de la confiance de son époque dans le progrès. Ce paradoxe qui anime l’ensemble de ses écrits s’applique à la morale, à la politique, à l’éducation et à la religion. Constant leitmotiv, la nature est le fondement et le principe auquel il ne cesse de se référer. L’influence des idées de Rousseau est très nette dans la doctrine politique révolutionnaire mais elle perdure également tout au long du XIXe siècle dans l’ensemble des sciences humaines. L’héritage de Rousseau n’est pourtant pas seulement d’ordre philosophique, puisqu’il est aussi à l’origine d’une nouvelle forme de sensibilité. Son univers hanté par la rêverie, la contemplation de la nature, le goût insulaire et la solitude ont en effet marqué la littérature du siècle suivant, à tel point que Rousseau est généralement considéré comme l’un des précurseurs du romantisme.

samedi 21 février 2009

Claude Lévi-Strauss








1-Présentation:Lévi-Strauss, Claude (1908– ), anthropologue français dont les travaux sur la prohibition de l’inceste, les structures sociales de la parenté et les règles du mariage ont profondément marqué l’anthropologie moderne.

2-La formation:Né à Bruxelles, Claude Lévi-Strauss poursuit ses études à Paris où il obtient, en 1931, l’agrégation de philosophie. Après quelques années d’enseignement en France, il est nommé auprès de la mission universitaire de São Paulo, au Brésil où, de 1935 à 1938, il effectue plusieurs missions ethnographiques (dans le Mato Grosso, puis en Amazonie).

Durant la Seconde Guerre mondiale, il quitte la France pour les États-Unis, où il occupe divers postes jusqu’en 1948 (enseignant, conseiller culturel auprès de l’Ambassade de France). Peu après son retour en France, il passe avec succès son doctorat (les Structures élémentaires de la parenté, 1949) et présente sa thèse complémentaire (la Vie familiale et sociale des Indiens nambikwara). Simultanément, il devient sous-directeur du musée de l’Homme et directeur d’études à l’École pratique des hautes études (Ve section). En 1973, il est élu à l’Académie française.

Jusqu’en 1982, date à laquelle il prend sa retraite, il occupe diverses fonctions : professeur au Collège de France (à partir de 1959), directeur du Laboratoire d’anthropologie sociale (fondé par lui-même en 1960) ; responsabilités à travers lesquelles il marque plusieurs générations de chercheurs qu’il forme et initie à l’anthropologie structurale. Il a raconté la naissance de sa vocation d’anthropologue et ses premières expéditions chez les Indiens du Brésil dans Tristes Tropiques (1955), journal de bord ethnographique aux tonalités littéraires et philosophiques, et autobiographie intellectuelle.

3-L’anthropologie structuraleQu’il s’agisse des peuples de l’Afrique, des Amériques ou de l’Europe, l’anthropologie contemporaine reconnaît le fait de la diversité culturelle, la pluralité des groupes sociaux, des civilisations et des systèmes d’organisations dont les différences tiennent à des circonstances géographiques, historiques et sociologiques. L’une des questions majeures qui sous-tend l’œuvre de Lévi-Strauss est de savoir comment appliquer à des ordres de faits culturellement disparates une méthode de connaissance permettant de dégager une unité de structure anthropologique entre les représentations humaines et leurs manifestations institutionnelles. Il n’est pas question de gommer les différences entre les sociétés humaines, mais de contribuer à mettre au jour des mécanismes d’interactions entre les hommes et leur milieu, de saisir les modalités du passage de la nature à la culture humaine pour comprendre ce qui constitue l’unité de l’homme.

Dans cette perspective, un article de Lévi-Strauss fait date : « l’Analyse structurale en linguistique et en anthropologie » (1945), repris dans Anthropologie structurale I (1958), où il formule les principes fondamentaux de sa méthode de recherche. Inspiré par les travaux de la linguistique — notamment par ceux de Nicolas Troubetskoï et de Roman Jakobson avec qui il se lie d’amitié — Lévi-Strauss postule que les faits sociaux sont structurés par un ensemble de déterminations inconscientes qui s’articulent de manière à former un système organisé. Chacun des éléments de ce système ne se définit que dans la relation qu’il entretient avec les autres ; l’analyse structurale consiste donc à dégager les lois générales qui régissent ces relations. Telle est la méthode appliquée dans son maître ouvrage, les Structures élémentaires de la parenté (1949), où sont analysées les formes prototypiques de l’alliance matrimoniale. Il s’agit pour Lévi-Strauss de montrer que, sous la diversité des systèmes de parenté propres à chaque société, il existe des règles universelles. Ainsi en est-il de l’interdit concernant l’inceste qui, dans toutes les sociétés et de manière diversement codifiée, conditionne les relations d’alliance matrimoniale.

4-Les Mythologiques:L’application de l’analyse structurale à l’étude des mythes est centrale dans l’œuvre de Lévi-Strauss. Les mythes sont une forme du récit qu’il faut considérer comme un instrument intellectuel à partir duquel les sociétés formulent des réponses originales à des questions que se pose l’humanité en général (origine du monde, de l’Homme, phénomènes astronomiques, météorologiques, etc.).

L’objectif fixé par les quatre volumes des Mythologiques (le Cru et le Cuit, 1964 ; Du miel aux cendres, 1966 ; l’Origine des manières de table, 1968 ; l’Homme nu, 1971) est de comprendre les mécanismes de construction de la pensée mythique ; mais c’est aussi une véritable plongée dans les catégories les plus fondamentales de la pensée symbolique. Cette vaste enquête prolonge, en quelque sorte, l’étude des systèmes de parenté qui sont aussi des systèmes de symboles offrant un terrain privilégié pour saisir la spécificité de l’esprit humain.

Conjointement, à travers l’analyse structurale, la recherche de Lévi-Strauss amène à cette constatation majeure : tout système mythologique est le reflet d’une structure sociale indissociable d’un système de valeurs déterminé. Étudier et comparer les mythes, c’est découvrir comment, dans une société donnée, les techniques, l’art, les croyances religieuses, l’économie, l’organisation politique, les liens de parenté sont des aspects interdépendants de la vie sociale et constituent des domaines qui se répondent à des niveaux différents d’une même structure.

Dans cette ligne, avec le Totémisme aujourd’hui (1962) et la Pensée sauvage (1962), Lévi-Strauss montre que, loin d’être l’expression d’une mentalité primitive et arbitraire de l’Homme, les mythes traduisent des opérations de pensée complexes et fournissent des modèles logiques à travers lesquels les sociétés dites « traditionnelles » structurent leurs représentations du monde et d’elles-mêmes.

5-Un humaniste dans le siècle:En 1952, sur une commande de l’Unesco, Lévi-Strauss rédige un texte intitulé Race et Histoire (repris dans Anthropologie structurale II, 1973) qui donne au structuralisme la dimension d’un nouvel humanisme. Mettant à profit les acquis de la réflexion ethnologique, Lévi-Strauss récuse l’idéologie raciste en remettant en cause le préjugé d’une relation entre l’apparence physique d’un individu et ses dispositions morales, et l’idée d’une hiérarchisation des « races » fonction de leurs productions culturelles. C’est pourquoi Lévi-Strauss rejette la notion de « progrès » liée à l’histoire et au développement technique de la civilisation occidentale, parce qu’elle « implique l’idée que certaines cultures, en des temps et en des lieux déterminés, sont supérieures à d’autres, puisqu’elles ont produit des œuvres dont ces dernières se sont montrées incapable de produire » (De près et de loin, 1988). On ne saurait donc se pencher sur le problème de « l’inégalité des races humaines » sans aborder le problème de la diversité entre des cultures humaines qui conditionne la perception d’une différence de « nature » entre les groupements humains.

Enfin, il est absurde de décréter qu’une culture est « supérieure » à une autre, car dans l’humanité aucune société ne s’est développée à l’écart des autres : aucun groupement social n’étant jamais absolument endogène, il est le produit historique d’échanges et de relations « interhumaines », au cours desquelles ont fusionné des influences culturelles variées.
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